Préambule : Les Core Protocols sont un ensemble de pratiques de communication interdépendantes qui peuvent être appliquées pour soi et dans une équipe pour fluidifier les interactions et obtenir de meilleurs résultats en soudant le collectif.
Je vous les présente dans la série « Développer son potentiel avec les Core Protocols ». Vous pouvez également retrouver les textes originaux (sous licence GPL) de leurs fondateurs Jim et Michele MacCarty en cliquant ici.
────── • ──────
Demander à quelqu’un un feedback qui nous aide à nous améliorer n’est pas une mince affaire ! Nous l’avons d’ailleurs vu ensemble dans l’article « Sauvez des vies, faites des feedbacks » : plusieurs techniques existent pour donner et recevoir ces retours objectifs et utiles qui font grandir… Néanmoins, il convient de s’entrainer pour bien les pratiquer !
Dans cet article, je vous propose de découvrir une de ces techniques, l’une des plus simples à appliquer d’ailleurs : le « Perfection Game ». Ce Core Protocol est l’outil idéal pour récolter un feedback de qualité en vue d’améliorer un travail, une oeuvre, voire même une relation ! En bref, c’est une pratique indispensable pour travailler et s’améliorer en collectif. Et vous allez apprendre ici tout ce qu’il faut savoir pour l’utiliser…
Décuplez vos idées d’amélioration !
Imaginez…
Vous avez réalisé une présentation pour une réunion importante avec vos patrons demain, mais vous ne savez pas si celle-ci va être à la hauteur de leurs espérances. Vous stressez légèrement à l’idée d’avoir oublié quelque chose et aimeriez bien avoir un avis extérieur avant le jour J… Mais il faudrait que cet avis soit vraiment objectif et utile…
Ne cherchez pas plus loin ! Le Perfection Game est l’outil de la situation !
Perfection Game : Mode d’emploi
- Demander à la personne demandeuse de feedback de présenter le travail qu’elle souhaite améliorer
- En fin de présentation, chaque participant va lui offrir son « Perfection Game » sous la forme suivante :
- « Pour ce travail, je donnerais une note de N (1) sur 10…
- …car j’ai apprécié A, B, C (2)…
- « …Et pour l’améliorer, je te proposerais de modifier/ajouter/retirer X, Y, Z (3)… »
- (Optionnel) : Le demandeur peut ici poser une/des questions de clarification pour être sûr de bien comprendre les retours formulés (sans les challenger !)
Précisions :
(1) La note N peut aller de 1 à 10 et ne représente pas votre appréciation personnelle du travail mais plutôt le potentiel d’amélioration que VOUS pouvez lui apporter :
- 1 signifie que le travail sous sa forme actuelle n’a pas du tout de valeur à vos yeux ET que vous avez de nombreux axes d’amélioration à proposer
- 10 signifie que vous n’avez aucune amélioration à proposer. Le travail présenté a de la valeur en l’état est alors considéré comme « parfait » faute d’axe à retravailler/ajouter/retirer
Note : Pour des raisons culturelles françaises, je vous expliquerai plus loin dans l’article pourquoi je vous conseille d’utiliser ce protocole SANS note (et ainsi éviter de nombreux travers et conflits)…
(2) Les éléments appréciés (A, B, C) sont ce que vous appréciez positivement dans ce qui est présenté et qui justifient votre note
(3) Vos propositions d’améliorations (X, Y, Z) – si vous en avez – doivent être concrètes et apporter de la valeur au travail ! Pas de conseils vagues ou généralistes ! Décrivez comment vous feriez concrètement à la place de la personne pour améliorer son travail.
Un exemple de PG
Imaginons qu’une personne fasse un PG du mode d’emploi que je viens d’écrire ci-dessus. Voilà ce qu’elle pourrait dire :
J’ai apprécié :
- La simplicité de la formulation des étapes, claires et concises
- La reformulation de la note en « potentiel d’amélioration que vous pouvez apporter »
- Le conseil de se mettre à la place de son interlocuteur pour formuler ses propositions d’amélioration
Pour avoir 10, je propose les axes suivants :
- Donner un exemple concret de PG pour que le lecteur voie à quoi ça ressemble en pratique
- Préciser dès l’étape 2 que le 10/10 représente la perfection pour que le lecteur sache immédiatement comment utiliser la note
Ce feedback est alors directement utilisable et m’apporte 2 améliorations possibles dont une que j’ai bien évidemment implémentée et qui j’espère vous apporte plus de clarté !
Pourquoi est-ce utile ?
Le Perfection Game est à mon sens l’un des Core Protocols à inscrire dans sa culture d’équipe/d’entreprise pour 3 raisons :
- Il offre une manière simple et riche d’offrir et demander des feedbacks constructifs
- Il met l’accent sur les points forts et le positif, ce que notre culture française a parfois tendance à oublier pour se concentrer sur « ce qui ne va pas ». Savoir regarder ce qui marche bien et apporte déjà de la valeur entraine un renforcement des éléments positifs et encourage dans cette voie !
- Dans la même veine, il n’autorise pas de commentaires négatifs : toute critique négative doit être formulée en potentiel d’amélioration ! Ça parait bénin, mais la différence d’impact créée est immense ! Le feedback est alors réellement utile et la personne peut alors se concentrer sur la mise en oeuvre de la correction, plutôt que de panser son estime d’elle-même ou contester une critique mal amenée !
Quand l’utiliser ?
Dans mon ancienne entreprise, nous utilisions ce procédé en de nombreuses occasions : amélioration d’articles avant publication sur le blog, amélioration de présentations orales, de slides, de compte-rendus… Même notre outil d’évaluation professionnelle 360° était basé sur le PG !
Je ne vois donc pas de limite à poser pour son utilisation. Je dirais même plus : abusez du Perfection Game ! Car en réalité, j’observe une réticence – parfois inconsciente – à demander des avis extérieurs sur notre travail. Peut-être par peur de décevoir, d’être jugé négativement,… voire même d’augmenter considérablement sa charge de travail ! C’est pourtant un moyen assez rapide et gratuit pour récolter d’excellentes idées pour améliorer ses résultats !
Nous allons d’ailleurs voir que ces craintes devraient disparaître si vous utilisez correctement le Perfection Game…
Précautions d’usage
Le traumatisme de la note
L’obsession de la note… Depuis l’école primaire, elle flotte autour de nous – carotte ou bâton – pour soi-disant nous évaluer et nous motiver. Une erreur avec le Perfection Game serait de se focaliser uniquement sur celle-ci, au détriment des points forts et des axes d’amélioration qu’elle représente !
En effet, celle-ci devrait idéalement s’ajuster en fonction de la valeur déjà présente dans le travail, et celle qui pourrait être ajoutée, avec toujours en tête le fait qu’on ne peut retirer de point que si on a un/des axes d’amélioration à proposer.
Mais dans la pratique, cette notation « juste » et objective reste assez difficile à réaliser. On sur-note par peur de vexer ou on sous-note par volonté de marquer les esprits.
Bref, pour éviter ce syndrome de la « note » qui stigmatise et prend toute la place, je pratique pour ma part une variante du protocole en la retirant purement et simplement !
Ainsi mon Perfection Game devient une succession de « ce que j’apprécie » et « ce que je propose comme amélioration » sans notion d’échelle. À vous de voir si cette adaptation vous correspond ! L’essence même du PG réside pour moi dans la pertinence de ces points forts et propositions ! « Less is more »…
Faut-il tout prendre en compte ?
Un autre piège avec ce protocole serait de croire qu’une fois la liste de recommandations faite, le demandeur se doit de toutes les implémenter.
Ici aussi, attention à ne pas tomber dans un processus trop scolaire ! Si le demandeur du PG se doit d’écouter les recommandations sans les challenger, il reste néanmoins libre de choisir quels changements sont judicieux à mettre en place et quelles autres propositions peuvent être ignorées car hors-propos ou inadaptées !
N’oublions pas que la demande de Perfection Game est une pratique volontaire de la part de quelqu’un qui cherche à s’améliorer. Si les propositions d’amélioration sont concrètes, adaptées au sujet et aux capacités du demandeur, celui-ci les implémentera de lui-même !
Accepter toute critique… positive !
Ce même demandeur se doit – selon les règles énoncées par MacCarthy – d’écouter toutes les remarques sans discussion, excepté s’il ressent un besoin de clarification. Mais pour que cela fonctionne, il est nécessaire que les participants suivent le formalisme proposé et n’entrent pas dans des critiques négatives !
Encore une fois, les éléments négatifs (par ex : « Tu as fait 5 fautes d’orthographe ») se doivent d’être formulés en propositions concrètes d’amélioration (« Tu peux rajouter un ‘s’ ici et ici »).
Si une personne ne se sent pas capable de proposer un feedback sans rentrer dans un commentaire négatif, le protocole original veut qu’elle « passe » son tour (voir le protocole « Pass »).
Pour aller plus loin avec les Core Protocols
Vous voilà paré(e) pour utiliser cet outil d’exception pour réaliser vos feedbacks et trouver de bonnes idées pour vous améliorer dans votre quotidien ! Le plus dur maintenant va sans doute être de passer à l’action pour en demander… En effet le PG est une démarche qui ne peut commencer que par votre action !
Et pour agir, 2 conditions peuvent aider :
- avoir confiance dans le groupe de participants à qui nous nous « livrons »,
- et également savoir rassurer notre égo qui peut potentiellement apprécier modérément les « axes d’amélioration » !
Pour cette dernière condition, retenez que même s’il est parfois difficile de recevoir un PG franc (parole de pratiquant !), vous ressortirez à chaque fois avec de nouvelles idées, parfois brillantes ! Je vous souhaite donc bon usage !
Pour en savoir plus sur les Core Protocols, et notamment comment vous pouvez les combiner les uns avec les autres, je vous invite à consulter les autres articles de cette série « Développer son potentiel avec les Core Protocols » !