Imaginons un monde où quand une équipe irait « mal », elle sortirait son smartphone et prendrait immédiatement rendez-vous avec son médecin spécialiste de dynamique de groupe. Vous savez, le genre de type avec une blouse blanche et un diplôme en performance collective !
Une fois dans son cabinet, celui-ci ferait son diagnostic. Mais pas avec un stéthoscope ou un thermomètre, ni en prononçant de mystérieuses incantations…
Non, il prendrait un temps pour poser des questions à l’équipe sur ses composantes vitales et les éléments indispensables à son bon fonctionnement…
Alors, fort de ce diagnostic, il prescrirait un ou deux exercices au groupe pour relancer la dynamique et du Doliprane 1000 mg (Eh oui ! Un médecin reste un médecin ;-)).
Je vous propose dans cet article de revenir dans notre monde, mais d’appliquer cette même démarche de diagnostic et remise en mouvement de la dynamique d’une équipe. Si votre équipe bat de l’aile ou si vous vous apprêtez à démarrer un nouveau projet, vous êtes au bon endroit ! Nous allons aborder un outil d’analyse de dynamique de groupe – l’amibe de Lucy Gill – et nous verrons comment l’appliquer dans votre contexte au travers de quelques pistes stratégiques de conduite du changement…
6 composantes essentielles pour une bonne dynamique d’équipe
Qu’est-ce qui fait qu’une équipe fonctionne plus ou moins bien ? Lucy Gill, une consultante américaine formée à l’école de Palo Alto propose un modèle pour répondre à cette question !
L’amibe, une métaphore de la dynamique d’équipe
Une amibe est un être vivant unicellulaire vivant dans des milieux humides. Son « corps » a la particularité de pouvoir se déformer et s’adapter à toute sorte d’environnement, ce qui l’amène à « voyager »… Son pouvoir d’adaptation est si grand qu’elle réussit parfois à pénétrer notre organisme pour se loger dans des endroits inconvenants comme notre côlon où elle génère alors de sévères dysenteries…
Nous avons là une bonne métaphore de la dynamique d’équipe : un ensemble de composantes interdépendantes et dynamiques qui assurent le bon fonctionnement et la performance du groupe, mais qui lorsqu’elles sont trop tiraillées et détériorées, génèrent des dysfonctionnements.
Quelles sont ces fameuses composantes ? Lucy Gill en définit 6 :
Pour une bonne dynamique d’équipe, il faut donc nourrir chacune de ces composantes vitales… Comment ? Avec des outils et des méthodes certes, mais surtout des discussions dans ladite équipe !
Et pour ça, je vous propose de définir rapidement chacun des items, mais surtout de vous partager quelques questions de diagnostic pour trouver là où vous pouvez prescrire votre Doliprane 1000 mg et faire émerger des solutions en équipe ! Une bonne question vaut en effet mieux que des conseils potentiellement inadaptés à votre contexte !
Un diagnostic pour interroger/améliorer la dynamique d’équipe
Selon le contexte et la maturité du collectif, les questions suivantes pourront être :
- soit être présentées à tout le groupe en guise de réflexion collective, typiquement dans un rituel de rétrospective (séance d’amélioration du mode de fonctionnement de l’équipe),
- soit être posées au préalable sous forme d’entretiens individuels pour notamment permettre à chacun de s’exprimer pleinement et sans influence extérieure avant de travailler le tout en équipe
Des objectifs clairs et partagés
Difficile de trouver du sens et de l’engagement sans savoir où l’on va, pour quoi et dans quel intérêt. L’objet de cette composante est de trouver des réponses aux questions suivantes :
- Que réalisez vous dans l’équipe ? Quel est votre produit ? Pour qui le réalisez-vous ?
- Pourquoi le réalisez-vous ? (Quel est votre but / quête / « why » ?)
- Quels sont vos objectifs chiffrés ? Comment mesurez-vous vos résultats vis-à-vis de ces objectifs ? Comment voyez-vous que vous réussissez ?
Des rôles définis et des attentes partagées
- C’est pas à moi de faire ça !
- Ok, mais c’est à qui alors ?
- Euh…
Les rôles approximatifs créent souvent dans les équipes des zones de recouvrement ou pire : des zones de vide ! Ces questions permettent de les détecter :
- Qui fait quoi dans l’équipe ? Les tâches sont-elles judicieusement réparties pour permettre leur réalisation ?
- Quel rôle n’est pas clair ? Que manque-t-il ?
Un flux des communications clair et les bonnes informations partagées
Toute équipe partage des informations pour fonctionner : travail réalisé, documentation interne, communications avec le reste de l’entreprise, informations descendantes de la hiérarchie… L’enjeu ici est de passer en revue les informations que traite l’équipe, de voir ce qui manque, et de retirer le superflu !
- Quelles informations échangez-vous pour travailler ? Comment ? (À quel moment ? Sous quelle forme ? Avec quel(s) outil(s) ?)
- Qu’est-ce qui est en trop ? Qu’est-ce qui manque ?
Un processus de décision efficace
Tout comme l’accumulation d’informations inutil(isées), l’accumulation de non-décisions conduit à des dysfonctionnements. Les questions suivantes viennent alors questionner la dynamique de discussion/décision/action dans l’équipe :
- Comment prenez-vous vos décisions dans l’équipe ?
- Sont-elles mises en oeuvre ? Comment ?
Des méthodes et mécanismes qui donnent les résultats escomptés
Si les outils et réunions/rituels d’une équipe ne sont pas efficaces, il ne faut pas s’attendre à des résultats qui fortifient le collectif ! Personne n’apprécie perdre son temps dans des actions inutiles… Bonne nouvelle néanmoins : rien n’est réellement figé (sauf nos idées fixes !) et il existe de nombreuses manières de s’améliorer. Voici des questions pour déterminer où le faire :
- Comment organisez-vous le travail dans l’équipe ? Quels outils utilisez-vous ?
- Comment fonctionnent vos réunions/rituels ?
- Comment faites-vous pour améliorer votre mode de fonctionnement ?
Une confiance en soi et en autrui !
La confiance en soi et en son équipe… Difficile de travailler sur cet aspect de la dynamique de groupe tant que ceux présentés précédemment sont défectueux. La confiance émergera donc souvent d’un fonctionnement fluide au niveau des autres branches de l’amibe. Voici les questions pour l’investiguer :
- Quel est votre niveau de confiance dans l’équipe ? (Où vous positionneriez vous sur une échelle de 1 à 10, et pour quelles raisons ?)
- Comment sont abordés les sujets « délicats » dans l’équipe ? Y a-t-il des sujets tabous ?
Comme vous pouvez le constater, la frontière entre les différentes composantes de l’amibe est mince et chacune a une influence sur les autres. Ceci étant dit, il n’y a pas de baguette magique ou de composante maitresse qui régirait d’un coup d’un seul tous les soucis de dynamique d’une équipe. Il va donc falloir choisir par où commencer pour avancer…
Quelle composante choisir en premier pour initier la dynamique ?
Choisir sa porte d’entrée
Il est difficile d’aborder tous les sujets de front, c’est même impossible ! D’ailleurs – vous le savez si vous lisez ce blog depuis un moment – je préconise de réaliser chaque changement par petites étapes successives ! Ainsi vous avez la possibilité de vérifier l’impact du petit pas que vous venez d’effectuer et de l’améliorer, là où les « Il faut tout changer » génèrent interférences, chaos systémique et impossibilité de distinguer ce qui marche de ce qui dysfonctionne.
Bonne nouvelle, c’est également ce que Lucy Gill explique dans son modèle : peu importe la composante choisie pour commencer, le fonctionnement en amibe créera de proche en proche des impacts sur les autres composantes et fera avancer le collectif vers une meilleure santé et/ou une meilleure connaissance de son fonctionnement !
S’il y avait un premier seuil à franchir pour une équipe qui se crée…
Une équipe qui se constitue trouvera des avantages à s’intéresser en premier lieu à ses objectifs/sa vision pour créer un sens de marche commun. La seconde étape naturelle pourra ensuite être d’échanger sur les rôles et responsabilités de chacun pour avancer sur ce chemin. En 3e position pourront se poser les questions des méthodes et processus à mettre en place pour réussir !
En somme, c’est comme dans mission impossible :
- on reçoit la lettre de mission (le danger à écarter, l’enjeu à ne pas échouer,…),
- on clarifie le rôle et les responsabilités de chacun (réussir la mission en se basant sur des compétences précises, s’accorder avec ses partenaires, être au bon endroit au bon moment, etc.)
- on met au point les méthodes et processus pour y parvenir (réunions d’élaboration du plan d’action, outils à utiliser sur le terrain,…)
Bon… Je dois concéder que les derniers films Mission Impossible ne suivent pas forcément ce déroulé à la lettre. Mais ne vous y trompez pas : si la méthode « à l’arrache » marche bien à l’écran, elle donne dans la vraie vie des résultats très discutables ! Une bonne dynamique de groupe n’est pas forcément un « truc qui se fait tout seul ».
Et pour une équipe lancée depuis longtemps ?
Le bon endroit où commencer dépend de votre diagnostic. La bonne composante se trouve souvent là où les membres de l’équipe sont motivés pour s’améliorer, voire indignés par la situation actuelle ! C’est un bon carburant pour faire bouger les choses… Mais ce n’est pas toujours suffisant !
En effet, les équipes qui ont (dys)fonctionné pendant un long moment peuvent avoir de vraies difficultés à changer une fois les habitudes ancrées dans le quotidien. J’ai déjà vécu ce phénomène de l’intérieur et sais à quel point il peut être difficile de faire bouger les choses : l’équipe va mal, les besoins des uns et des autres ne sont pas les mêmes et ne s’accordent pas, la confiance dans le groupe est faible et l’énergie pour lancer un mouvement salvateur semble être aux abonnés absents…
Voyons comment gérer ces situations.
Comment embarquer le collectif dans le changement lorsque ça « bloque » ?
Résistance !
Lorsqu’il y a désaccord dans un groupe, le réflexe est de chercher un consensus par la discussion.
C’est une très bonne idée si le processus amène à une décision qui crée du mouvement et améliore les choses. Mais c’est souvent aussi – hélas – une pratique désastreuse qui détériore encore plus la dynamique de groupe lorsque le dialogue s’enlise dans des débats sans fin qui laissent les choses inchangées semaines après semaines. L’équipe se retrouve alors dans l’impasse, voire la crise.
Voici une réflexion pour appréhender ces cas extrêmes…
Qui veut changer ?
Nous en avons déjà parlé dans le kit de survie à l’attention des agents du changement : la résistance au changement (ou plutôt à la perte de ce qu’on a à l’instant t) est un phénomène naturel qui crée statistiquement 3 populations.
Face à ces populations, plusieurs stratégies s’offrent à nous :
- S’adresser à tous et chercher le consensus (et donc refaire un peu plus de la même chose qui a amené à l’impasse en espérant que les résultats soient différents)
- Investir son énergie à convaincre les réfractaires à avancer vers le changement (une pratique énergivore qui demande beaucoup de temps avant de démarrer)
- Choisir de travailler avec ceux qui souhaitent faire bouger les choses (et donc avancer dans un premier temps avec eux uniquement)
La stratégie gagnante : travailler là où il y a de l’énergie et communiquer sur les succès
Bien que paradoxale, la 3e de ces possibilités est la plus stratégique dans la plupart des situations : Elle nécessite moins d’efforts que les 2 autres et donne rapidement des premiers résultats !
Ces résultats – s’ils améliorent effectivement le fonctionnement du collectif – sont alors des arguments de choix pour amener les indécis à progressivement intégrer le mouvement.
À terme, tout le groupe finit par se positionner (par conviction ou par mimétisme) et les derniers récalcitrants décident alors de s’accorder… ou de « quitter le navire ». Cette dernière possibilité, même si on cherche bien entendu à l’éviter, peut arriver dans des équipes qui dysfonctionnent sévèrement.
Si un départ peut être vécu comme un drame… il est aussi une opportunité. Et pas que pour ceux qui restent !
Je pense en effet que la plupart des gens ont besoin pour s’épanouir d’un environnement sécurisant qui les fait grandir. Lorsque ces conditions n’existent plus, le fait d’aller délibérément les chercher ailleurs n’est pas un échec, mais un acte mature, courageux et souvent bienfaiteur pour la personne qui décide de partir !
Chacun a ici la responsabilité de faire de son mieux pour offrir une écoute sincère mais aussi des questions constructives pour aider ceux qui ne trouvent pas ce dont ils ont besoin dans l’équipe… En faisant attention notamment aux jeux psychologiques et aux simplifications du type « les autres sont les méchants » qui n’amènent jamais rien de bon !
En conclusion
Comme une amibe, la dynamique de groupe est un objet merveilleux mais également fragile, qui nécessite beaucoup d’attention et de temps d’entretien. Si j’étais d’ailleurs médecin spécialisé en dynamique d’équipe, c’est cet élément indispensable que je prescrirais systématiquement en fin de séance :
ORDONNANCE
suite à notre séance de ce jour
✓ 1 séance au minimum par mois pour :
- réfléchir à votre mode de fonctionnement,
- à comment se porte votre amibe,
- à ce qui pourrait être amélioré…
- et à mettre en place des actions pour que ça change vraiment !
✓ 1 boite de Doliprane 1000 mg (au cas où)
Note importante à propos de ce rituel d’amélioration continue : rien ne vous oblige à tenir votre rétrospective dans une salle de réunion ! La confiance comme beaucoup d’autres qualités se construit et se célèbre très bien (voire mieux ?) autour d’un verre en dehors des murs de l’entreprise ! À vous de jouer !
Vous souhaitez réaliser votre diagnostic et animer un de ces temps de réflexion/amélioration collective ? Je propose à tous mes abonnés de recevoir le poster de l’amibe de Lucy Gill avec pour chaque composante les questions clés à se poser.
Pour le recevoir (et vous abonner au blog si ce n’est pas encore le cas), je vous invite à passer à l’action ci-dessous !