Si vous savez mener des conversations efficaces qui guident des groupes à prendre les bonnes décisions, alors vous pouvez devenir Maître du monde !
Néanmoins, créer et animer de telles discussions est beaucoup plus difficile qu’il n’y parait et les pièges sont nombreux : discussions improductives, débats sans fin, dialogues de sourds…
Pour les éviter et en triompher, je vous propose dans cet article de faire un premier pas vers la maîtrise du monde avec « The Art of Focused Conversation », une méthode (aussi appelée « ORID ») développée par R. Brian Stanfield pour rendre nos conversations redoutablement efficaces en 4 étapes.
Attention, après cette lecture, vous n’animerez plus jamais vos ateliers de la même manière !
Sommaire
Devenir maître du monde peut prendre quelques années. Lire cet article, un peu moins ! Néanmoins, le sujet est vaste et nécessite une approche progressive. Je vous recommande donc une lecture en 2 parties :
Partie 1 : Tout ce qu’il faut savoir sur la théorie de la Conversation Structurée
Chapitre 1 : Les pièges de la communication usuelle
Chapitre 2 : Conversation « convergente », mode d’emploi
Partie 2 : L’utiliser de manière efficace dans la pratique
Chapitre 3 : Devenir maître du monde (ou mener un atelier), ça se prépare !
Chapitre 4 : Principaux pièges et contre-mesures
Bonne lecture !
Chapitre 1 : Les pièges de la communication usuelle
« – Comment ça va aujourd’hui ?
– Oui et toi ? »
Plus le temps de réfléchir !
Ces 20 dernières années, nous avons atteint des sommets dans le partage d’informations et de connaissances, merci Google, Twitter et Wikipédia ! C’est un progrès indéniable… Mais dans quel sens ?
En effet, l’accès à cette quantité effroyable d’informations fragmentées et décorélées nous pousse à devenir multi-tâches, à traiter cette connaissance plus vite, et donc à la raccourcir. Souvenez vous des rédactions en 300 mots de notre enfance ? Aujourd’hui, c’est 280 caractères !
L’art de ne pas écouter
Nos traditions dialectiques ne nous aident pas non plus : Envie de parler à la place de notre interlocuteur ?
Quoi de plus normal que de lui couper la parole et de parler plus fort jusqu’à ce qu’il finisse par se taire ?
Ce besoin est parfois si fort que, quelle que soit la véracité de notre point de vue, nous devons absolument l’imposer aux autres dans un plaidoyer permanent pour convaincre et critiquer. Si nous pensons que nous avons raison, notre adversaire a d’ailleurs forcément tort ! C’est la tyrannie du « ou » : soit je possède la vérité, soit c’est lui, mais jamais son point de vue « et » le mien ne pourront s’accorder !
Dans ces conditions, notre faculté d’écoute est affaiblie. D’autant plus lorsque des pensées parallèles viennent se mêler à la discussion dans notre esprit. Nous nous déconnectons alors pour nous concentrer sur ces idées.
Parler pour ne rien dire
Il résulte de tous ces travers des discussions superficielles où les intérêts de chacun ne sont qu’effleurés. Des réunions inefficaces qui n’amènent comme décision que la programmation d’autres points tout aussi caduques. Difficile dans ces conditions de grimper jusqu’au sommet !
A retenir :
Si la communication entre individus était toujours limpide, devenir maître du monde serait trop facile. Heureusement, le monde est bien fait, et le premier challenge consiste donc à mettre du sens dans ces échanges quotidiens : les conversations.
Chapitre 2 : Conversation « convergente », mode d’emploi
« À quoi bon avoir raison… si on n’est pas compris ? »
Passez de suiveur à leader de conversation
Pour faire face au chaos et remettre du sens et de l’écoute dans nos conversations, le but est de passer de simple observateur ou contributeur au bruit ambiant à un rôle de leader de conversations structurées.
Notre mission ?
➜ Faciliter la compréhension et la résolution de problèmes.
Nos armes ?
➜ Des questions précises et organisées selon différentes étapes de réflexion.
Ces questions visent un objectif : prendre une décision à propos du sujet discuté tout en l’analysant en profondeur.
Les étapes pour arriver à ce but suivent un ordre précis que nous allons illustrer.
Un processus de pensée naturel en 4 niveaux
Prenons l’exemple d’un événement banal de notre vie de Maître du monde : une tentative d’assassinat sur notre personne…
Alors que nous nous rendons bonnement au salon du président Péruvien, un assaillant jaillit au détour d’un couloir, un couteau de table à la main, prêt à frapper !…
- (Niveau 1) Tout d’abord, notre cerveau analyse les faits : un individu brun d’environ 1m80 tente de nous poignarder avec un couteau à beurre.
- (Niveau 2) Nous entrons ensuite dans une phase de ressenti subjectif. Cette agression provoque par exemple notre colère (« Un couteau à beurre ? Il n’est pas sérieux ? En plus il risque de me salir ! »).
- (Niveau 3) Cette phase laisse alors place à une interprétation des faits : l’angle d’attaque et la propreté relative de l’arme nous apprennent qu’un impact serait fortement préjudiciable à l’impeccable aspect de notre veston, sinon à notre vie !
- (Niveau 4) Nous finissons alors ce raisonnement par une prise de décision : mettre à profit les leçons d’esquive de fans en furie et échapper d’un bond à l’attaque.
Méthode garantie 100 % efficace*
En posant des questions pertinentes, une conversation suivant ces 4 phases – Objective > Réflective > Interprétative > Décisionnelle (d’où le fameux moyen mnémotechnique « ORID ») – aura tendance à converger vers une prise de décision.
En effet, le raisonnement se construit progressivement de manière logique sur la base de l’observation objective des faits et de l’effet subjectif qu’ils produisent chez nous, deux thématiques que nous omettons généralement dans nos discussions usuelles !
Au fur et à mesure des questions, chacun exprime son point de vue et participe à l’élaboration d’un raisonnement commun créatif. L’équipe gagne ainsi du temps, et le temps c’est important quand on veut maîtriser le monde !
Quelles questions poser pour mener une conversion structurée ?
Devenir leader mondial – comme leader de conversations structurées – demande des efforts. Le premier étant de bien comprendre l’intérêt de chaque niveau et le type de questions à poser pour faire émerger la connaissance des participants.
Voici donc un tableau récapitulatif pour chaque niveau (cliquer sur le tableau pour l’afficher en grand) :
A retenir :
De l’animateur désespéré au leader de conversations structurées, il n’y a qu’un pas. Enfin, 4 !
Le tout est de savoir poser les bonnes questions au bon moment… Et surtout, que le groupe y réponde !
Chapitre 3 : Devenir maître du monde (ou mener un atelier), ça se prépare !
« L’avenir, c’est du passé en préparation. »
Il ne suffit pas de connaître l’enchaînement Objectif-Réflectif-Interprétation-Décision pour savoir l’utiliser. De nombreux pièges se dissimulent entre nous et le contrôle absolu de la connaissance d’un groupe. Le premier est la non-préparation de son intervention…
Conversation VS présentation
La première question à se poser est « est-ce qu’une conversation est le meilleur outil à utiliser ? ». En effet, lorsque vous présenterez votre planning à 6 mois pour devenir chef des nations, un simple exposé sera bien plus adapté.
Sujet, objectif, intention
Une fois la conversation choisie, son sujet doit être préparé. Projetons-nous dans le futur, et préparons pour l’exemple un bilan avec le G8 de notre première année de suprématie mondiale.
Dans notre cas, l’objectif de la conversation sera de trouver les forces de notre gouvernement mais aussi (surtout ?) les faiblesses qui nous ont fait défaut et prendre des mesures pour ne plus les rencontrer.
Il est intéressant dans cette préparation de se fixer également l’intention que nous visons : rassurer les chefs d’états sur notre capacité (brillante) à continuer de gouverner.
Porte d’entrée sur les questions
La préparation des questions de l’entretien est primordiale. Deux questions judicieusement choisies pour chaque niveau peuvent être suffisantes pour mener une conversation, les échanges passant également par l’éclaircissement de certaines réponses taciturnes.
Il est important de commencer les questions objectives par des éléments concrets. En effet, une question abstraite entraine une réponse abstraite, ce que nous cherchons bien évidemment à éviter. Nous pourrons par exemple choisir de commencer par poser la question : « Quels sont les 3 faits qui vous ont le plus marqué à propos de notre gestion mondiale de cette année ? »
Lors de la préparation des questions suivantes, il est important d’en vérifier le bon enchaînement. S’appliquer la conversation à soi-même permet de détecter les incohérences et de retravailler la forme si nécessaire.
Bien introduire
En guise d’entrée en matière, rien ne vaut un pied-dans-la-bouche pour remercier le groupe pour sa présence. Dans notre contexte, un simple « merci de vous être déplacés pour cette réunion obligatoire » fera l’affaire.
Juste après, nous pouvons annoncer le sujet de la conversation : « En tant que maître du monde, votre avis m’est précieux. C’est pourquoi j’aimerais que nous parlions de cette dernière année écoulée… ».
Nous pouvons également rappeler les décisions antérieures au sujet : « Suite à la tentative d’assassinat par le fils aîné du président péruvien, je rappelle que les mots ‘Pérou’ et ‘couteau à beurre’ sont rigoureusement prohibés de toutes les langues ».
Enfin, rappelons le contexte et l’intérêt de la conversation pour le groupe : « N’hésitez pas à vous exprimer librement afin que nous puissions améliorer notre gouvernement pour l’année prochaine ». Un éventuel tour de table des attentes de chacun pourra alors s’avérer une bonne transition sur la première question de la conversation et un facteur d’engagement pour participer activement.
Bien conclure
Une fois la dernière question achevée, hors de question de se quitter sans conclusion. Il est alors bienvenu de remercier les participants pour le temps investi dans cette réunion.
Vous pouvez rappeler les principales conclusions du groupe (« diminuer les contrôles de la milice internationale et autoriser à nouveau l’expression ‘couteau à beurre’ dans les pays anglophones uniquement ») et expliquer comment elles vont être utilisées par la suite.
Enfin, si des points n’ont pas pu être abordés (« Quid de l’embargo général du Pérou ? »), vous pouvez les noter pour les aborder dans un prochain point.
A retenir :
Dans un cadre professionnel et de manière générale pour plus d’efficacité, une conversation mérite d’être préparée.
Lorsque le groupe décidera de se mutiner – et il le fera – c’est cette préparation qui vous permettra de maintenir le cap.
*Chapitre 4 : Principaux pièges et contre-mesures
« La différence entre la théorie et la pratique ?
En théorie c’est la même chose, mais en pratique, c’est très différent ! »
Si le groupe s’éloigne du sujet
Notre esprit étant très associatif, il nous est naturel de digresser vers des sujets connexes. Dans ce cas, il est du devoir du facilitateur de vérifier que l’élément apporté permet de répondre à la question. Si ce n’est pas le cas, il peut exprimer que ce sujet est une piste ou un problème intéressant, mais que ce n’est pas celui qu’il est prévu de traiter. Il pourra alors récapituler ce qui a été dit en réponse à la question, la répéter. Si la régression reprend, il est temps de passer à la question suivante !
En cas de réponses trop longues ou abstraites
Certaines personnes sont plus prolixes que d’autres, parfois même philosophes. Néanmoins, il est important que le groupe comprenne chaque idée ou intervention. Car si l’incompréhension s’installe, la conversation risque de se transformer par effet boule de neige en un dialogue insensé. Pour éviter cela, une solution simple consiste à demander une reformulation ou un exemple particulier. Par exemple : « Qu’entendez-vous par politique autoritariste transpéruvienne ? »
En cas de divergence d’opinion
Si une personne s’oppose à la réponse d’un autre, il peut y avoir débat. Dans ce cas, il est intéressant de souligner la différence et d’énoncer clairement les deux propositions afin de pouvoir en discuter. En effet, la vérité est au centre de la table. Si la personne qui s’oppose à la réponse débattue n’y propose pas une alternative, nous pouvons recentrer le focus sur la question : « je comprends ce que vous dites et je vois que vous n’êtes pas d’accord avec la réponse du président Américain. Quelle serait du coup votre réponse à la question ? ».
En cas de dispute
Les idées décollent, fusent et blessent : le différent est devenu affrontement. L’exposition de point de vue se transforme souvent dans ce cas en joute dialectique, ce qui empêche d’avancer. Il est alors primordial de calmer le jeu et de rappeler que chacun a sa vision, son ressenti et que c’est le partage de tous ces points de vue qui permet de construire un édifice commun.
Ici, nous devons faire en sorte que chaque personne puisse expliquer son point de vue sans se faire couper la parole avant de laisser place à une opposition ou une autre idée. Une fois les idées présentées et entendues, le sujet peut être débattu si le contexte le permet.
A retenir :
Avoir une méthode, c’est comme avoir un plan : il faut être prêt à l’adapter en fonction du déroulé !
Si une conversation dévie, laissez chacun s’exprimer, puis rebouclez sur une question.
En conclusion
La connaissance d’un groupe dépasse la connaissance individuelle. Maintenant que vous savez comment poser les bonnes questions, cette connaissance vous est accessible ! Il reste alors une dernière chose à dire sur votre rôle de leader de conversations. Celui-ci n’est pas d’enseigner ou d’inculquer un savoir à un groupe. Il n’est pas non plus d’imposer une décision en maquillant d’obscurs objectifs en questions. Votre rôle est de découvrir ce que le groupe pense, ressent, désire par rapport à ces objectifs. Et une fois ce savoir débloqué, vous saurez comment le mettre en action.
Et si finalement c’était ça « être le maître du monde » ?